Un enfant sur cinq traverse, au fil de son enfance, des moments de fragilité psychique qui réclament une attention particulière. Ces difficultés, souvent furtives, échappent au regard des adultes : leur expression diffère, se fond dans le développement normal, brouille les repères. Ce qui, chez l’adulte, sonnerait l’alarme, passe parfois pour une simple phase ou une fantaisie passagère.
Détecter tôt ces signaux silencieux donne des chances réelles d’intervenir, d’offrir un soutien ajusté et d’éviter que de petits maux n’enfouissent des racines profondes. Même des manifestations discrètes ou inhabituelles appellent à rester attentif, tant pour les familles que pour les professionnels qui côtoient ces enfants au quotidien.
Comprendre la santé mentale chez l’enfant : une réalité souvent méconnue
Les difficultés en lien avec la santé mentale des enfants restent un angle mort dans de nombreux foyers et établissements scolaires. Si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle que la majorité des troubles mentaux débutent pendant l’enfance ou l’adolescence, le sujet glisse trop souvent sous le tapis en France. Entre crainte du diagnostic, peur d’une stigmatisation ou refus de voir des signaux qui dérangent, les familles peinent à poser des mots.
Mais la santé mentale de l’enfant ne se résume pas à l’absence de problème. C’est aussi la capacité à faire face aux défis, à gérer ses émotions et à tisser des liens harmonieux. Tout cet équilibre dépend de l’environnement, de la vie familiale, des épreuves traversées, du climat scolaire ou encore de l’exposition aux écrans. Selon l’OMS, près de 20 % des enfants connaissent au moins un trouble mental ou vivent une période de mal-être psychique durant leur développement.
Repérer ces troubles demande finesse et vigilance : leur expression diffère d’un enfant à l’autre, selon l’âge, la personnalité, ou la situation de vie. Là où certains deviennent provocateurs, d’autres s’enferment dans le silence ou multiplient les plaintes somatiques. Trop souvent, la santé mentale chez les enfants reste évaluée strictement selon leurs résultats scolaires, négligeant leur vécu émotionnel et leurs difficultés invisibles.
Quels symptômes doivent alerter les parents au quotidien ?
Chez l’enfant, un trouble mental ne se manifeste pas par un seul symptôme flagrant. Il s’agit généralement d’un ensemble de symptômes, parfois diffus, parfois persistants. Le moindre bouleversement durable dans le comportement, l’humeur ou les habitudes quotidiennes mérite d’être relevé. Si un enfant se replie, fuit le contact avec ses proches, ou devient subitement irritable, cela peut révéler une souffrance intérieure.
Une chute inattendue des résultats scolaires, l’apparition de difficultés scolaires durables, un désintérêt soudain pour les loisirs habituellement appréciés, ou une peur croissante à l’idée d’aller à l’école signalent parfois un malaise plus profond. Les troubles du sommeil qui perdurent, les insomnies, la fatigue inexpliquée, ou des plaintes physiques répétées (comme des maux de ventre ou de tête sans cause médicale) sont aussi à considérer.
Certains signes, s’ils s’installent ou s’aggravent, doivent particulièrement attirer l’attention :
- Isolement social ou repli sur soi
- Changements dans l’alimentation (perte ou prise de poids marquées, troubles du comportement alimentaire)
- Crises émotionnelles récurrentes, accès de colère ou tristesse persistante
- Comportements impulsifs inattendus, prises de risques inhabituelles
Adultes, parents, enseignants ou professionnels, tous partagent la responsabilité de rester vigilants. Lorsque plusieurs symptômes de ce type se manifestent dans la durée, il peut être judicieux de s’interroger sur la présence d’un trouble mental. La collaboration entre familles, milieu scolaire et acteurs de santé joue alors tout son rôle pour dépasser les stéréotypes associés à la santé mentale.
Vers qui se tourner et comment accompagner son enfant en cas de doute ?
Quand l’inquiétude s’installe, il n’est pas rare de sentir la solitude gagner du terrain. Face à des signaux peu clairs ou contradictoires, les familles se retrouvent souvent à tâtonner. En cas de questionnement, consulter le médecin traitant ou le pédiatre permet de poser un premier regard sur la situation. Ce sont eux qui orientent, au besoin, vers des spécialistes : psychologue, psychiatre, équipe pluridisciplinaire dans un centre médico-psychologique, ou encore vers un centre médico-psychopédagogique.
L’accompagnement passe aussi par l’école : enseignants, personnel éducatif, infirmier·e scolaire ou psychologue disposent d’outils pour observer et soutenir les élèves. Initier le dialogue avec les équipes pédagogiques rend possible la mise en œuvre de solutions sur-mesure. D’autres ressources existent : les associations spécialisées, les plateformes d’écoute, les réseaux d’entraide locale forment des relais précieux pour sortir de l’isolement et obtenir des pistes concrètes.
Aucun chemin n’est figé. Chaque famille, chaque enfant avance pas à pas. Créer un climat de dialogue, favoriser l’écoute, éviter tout jugement : là se trouve le socle d’un accompagnement solide. Les mots, parfois, manquent. Mais une attention de chaque instant, le recours à des professionnels compétents, la mobilisation des proches forment un filet de sécurité. Aborder la santé mentale sans gêne, ouvrir des espaces de discussion, c’est déjà rendre possible le soutien et la réparation.
Rien n’est jamais joué d’avance. Une attitude ouverte, quelques paroles bienveillantes, ou un regard attentif contribuent à changer la trajectoire d’un mal-être souvent silencieux. Ne jamais perdre ce réflexe d’écoute, c’est offrir aux enfants une chance de ne plus jamais avoir à lutter seuls contre l’invisible.

